Je ne sais si l’un d’entre vous connaît Madame Nunu, en ce qui me concerne, j’avoue humblement n’en avoir jamais entendu parler jusqu’à ces jours derniers.
Un vieux magazine américain avait été oublié dans le hall d’un hôtel parisien où j’avais rendez- vous avec un ami. Je le feuilletais rapidement et fus attiré par une photo représentant le Corps Diplomatique au cours d’une réception à la Maison Blanche. Je regardais de plus prés pour découvrir les différents Ambassadeurs et fus surpris de voir une femme au milieu des Ambassadeurs des Etats arabes du Golfe.
C’était Mme Uda Azia Ibrahim Nunu, Ambassadrice de Barhein aux Etats-Unis, une femme représentant un Etat arabe ce n’est certes pas courant. Ca l’est d’autant moins lorsque je vous aurais appris que Mme Nunu est juive.
Ce magazine était daté de l’an dernier – je crois qu’elle a été remplacée cette année – mais vous connaissez ma curiosité lorsqu’il s’agit de Communautés méconnues, aussi me suis-je mis à la recherche des Juifs de Barhein. Mon second étonnement fut d’apprendre que le 10 décembre 2013, l’Ambassadeur de Barhein en France était allé se recueillir au Mémorial de la Shoah de Drancy.
Barhein, dont le nom arabe signifie entre deux mers, se situe sur la côte ouest du Golfe Persique. C’est un royaume de 1.300.000 habitants dont plus de la moitié sont des expatriés. Musulman depuis le début du 7éme siècle, il est en fait l’un des premiers états musulmans du monde. C’est dans un contexte hostile qu’une Communauté Juive s’installa dés le XII° siècle, Benjamin de Tudela, un voyageur contemporain dont on a découvert des écrits, dénombrait quelques 500 Juifs qui détenaient le commerce des perles.
Au 19éme siècle, des Juifs irakiens vinrent s’installer et prospérèrent dans leurs affaires grâce au grand climat de tolérance voulue par le Roi. Avant la création de l’Etat d’Israël, quelques 1500 Juifs demeuraient à Bahrein, mais en 47/48, des émeutes anti-juives obligèrent un grand nombre à s’enfuir ; ils n’en restaient plus que 600 au moment de la guerre des six jours. Les attaques contre les biens et les personnes continuant, la Communauté s’amenuisa d’année en année ; aujourd’hui seules, 4 familles y sont encore présentes. Les Nunu ou Nonoo est une famille très appréciée par le Roi qui nomma Ibrahim Nonou au Conseil Supérieur du Royaume ; sa nièce le remplaça en 2005, c’était la fameuse Ambassadrice.
Elle cumulait ses fonctions avec la Présidence de la Ligue des Droits de l’Homme de Barhein.
Depuis 2007, le Roi Hamad Al Khalifa protége les Juifs Barheinis et malgré le conflit israélo-palestinien, il n’y a pas de boycott des produits israéliens.
Le Roi se rendit, en personne en Angleterre afin d’inciter les descendants des Juifs de Barhein, expatriés à Londres, de rejoindre Manama, la capitale de son royaume, où toutes facilités leur seraient accordées pour s’y réinstaller. Jason Isaacson, du Comité des Juifs d’Amérique du Nord, apporte l’explication suivante à l’attitude royale : « Le fait que Barhein possède une petite Communauté juive florissante est un symbole important pour la région du Golfe ».
Récemment la synagogue de Manama (seule synagogue du Golfe Persique), ne servant plus pour le culte, tant la Communauté est réduite, était promise à une autre destination. Le Roi ne l’a pas entendu de cette oreille exigeant la réfection totale du monument et son maintien en tant que lieu de prières.
Les prises de position du Souverain Barheini sont très modérées et ses fermes condamnations des différents attentats terroristes en Israël lui valent de vives oppositions de ses voisins du Golfe.
En 2011 des émeutes ont éclatées, sévèrement réprimées par le Pouvoir, le Printemps Arabe n’est pas passé à Barhein et beaucoup d’opposants chiites ont été emprisonnés après l’intervention militaire saoudienne. Les différentes informations n’ont pas fait état de manifestations antijuives.
Le Ministre de la Culture Barheini s’est déplacé à la synagogue de Manama pour lancer les travaux de rénovations promis.
Existe-t-il un avenir pour les 50 juifs de Barhein ?
Jean-Claude Nerson