« Quand l’un de nous allait mourir, il nous demandait de raconter aux autres »
Entre 1950 et 1960, il devient alors primordial de témoigner et Charles Baron confiera « je n’avais pas une folle confiance en moi, mais mon principe était que si l’on veut quelque chose, il ne faut pas attendre que cela vienne, il faut aller le chercher ». Dans une interview, il confesse avoir été le témoin d’une mise en scène traumatisante. En octobre 1944 des centaines d’enfants juifs d’origine lituanienne arrivent au camp d’Auschwitz. « les SS ont fait une cérémonie. Ils les ont habillés en chemises blanches longues montant jusqu’au cou et les ont fait défiler devant tous les prisonniers du camp en les entourant de sentinelles armées. Ils ont ainsi défilé devant nous et ont fait le tour du camp. J’étais avec les Russes et il en faut pour faire pleurer un officier russe, mais il pleurait en disant « on dirait des anges » Et ces anges les SS les ont conduits au four …» « mon dernier message aux jeunes c’est RESPECT et AMOUR, mais respect d’abord ; il ne faut pas avoir peur de la mort car elle fait partie de la vie. L’espérance est là puisque la vie est belle. On doit respecter la vie de l’autre ».
Dans le petit monde de la déportation, Charles Baron était un grand témoin.
Ancien déporté et inlassable témoin, Charles Baron est parti le 4 octobre 2016. Fils unique d’un père polonais et d’une mère française, Charles Baron, né en 1926 à Paris, est« mis à l’abri» à Celles les Bordes (Yvelines) chez ses grands parents devant l’insécurité grandissante à Paris. Ses parents sont raflés le 17 juillet 1942, de Drancy ils sont déportés le 24 juillet 1942 avec le convoi n° 10 à Auschwitz où sa mère Anna est immédiatement gazée, son père Moritz succombera le 3 septembre 1942 suite aux expériences du médecin nazi John Paul Kremer. Charles Baron est arrêté le 12 septembre 1942 en revenant de chez ses grands-parents à Saint Remy les Chevreuse par la police française, il avait deux mois de trop pour rester libre. «Gosse de la communale» il, n’avait jamais ressenti l’antisémitisme et aurait préféré être arrêté par des Allemands plutôt que par des Français. Depuis Drancy (gare du Bourget) il est déporté par le convoi 34 le 18 septembre 1942 pour Cosel en Silésie, suivront Sakrau, Klein-Mangersdorf, Gross-Sarne un camp disciplinaire, retour à Klein-Mangersdorf, puis Ludwigsdorf où il travaillera, dans une usine de munition de février 1942 à fin juillet 1944 avant de rejoindre Birkenau (Auschwitz), le camp de quarantaine Bila. A Birkenau on lui a apposé le tatouage A 17594, durant ces trois mois il ne travaillera pas, il échappera par miracle à la chambre à gaz après avoir subi deux sélections. Le 25 octobre 1944 quelques mois avant la libération d’Auschwitz il est transféré en Bavière dans un camp annexe de Dachau à Landsberg /Kaufering. Il travaille dans des conditions « abominables » dans une usine d’armes secrètes. A l’approche des troupes américaines, il est à nouveau transféré le 27 avril 1945 vers Dachau par train dans un wagon découvert et il profite d’une attaque aérienne du convoi pour s’évader avec son ami Fred SEDEL. Toute la journée ils ont marché, puis sont recueillis par des paysans allemands, à Pestenacker. Après trois jours passés dans la grange les américains sont arrivés et les ont libérés.« Nous avons pleuré de joie », ils me disaient « don’t cry Frenchy, don’t cry ». Charles Baron sera hospitalisé à l’hôpital militaire US de Landsberg (Ironie du sort, c’est dans cette forteresse de Landsberg qu’Hitler en captivité a écrit « Mein Kampf ») puis à l’hôpital militaire Français de Mainau sur le lac de Constance. A son arrivée à Paris il pèse à peine 36 kg. Grand militant de la mémoire il s’investit totalement pour raconter l’horreur de l’univers concentrationnaire à partir de son vécu. Dés la naissance de l’AFMA il soutient les efforts des co-fondateurs Henri Moraud et Georges Wellers. Comment résumer l’attachement de Charles Baron au travail de mémoire, il témoignait sans cesse dans les établissements scolaires, en accompagnant des classes à Auschwitz, n’épargnant jamais son temps, toujours disponible pour ce qu’il considérait comme un devoir de mémoire en souvenir de ses compagnons de camp qui n’étaient pas revenus. Charles Baron venait récemment d’être élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur, il était membre d’honneur de la 103ème division d’infanterie de l’Armée américaine qui avait libéré Kaufering. Il était Co-Président de l’AFMA – Association Fonds Mémoire d’Auschwitz avec Isabelle Choko et Jacques Céliset. Adieu Charles, un mensch que nous n’oublierons jamais. Hommage de son ami Karl Charles G. LENIGER
Rarement connu du public, ce document officiel de retrait de nationalité, signé de Philippe Pétain, est celui de la mère de Charles Baron.