Pas un jour sans qu’un camp de Roms ne soit démantelé, ses occupants expulsés.
Pas un jour où la Presse ne relate les méfaits d’enfants roumains se livrant dans les métros à ce que le politiquement correct, appelle des incivilités.
Pas un jour où ces populations, défendues par des Associations bien pensantes, ne soient comparées aux Juifs, certains allant jusqu’à voir dans les pratiques de notre Police une résurgence du passé.
Comparaison n’est pas raison, aucune arrestation arbitraire, aucune brutalité et surtout aucune exécution sommaire n’a jamais frappé ces émigrants qui, tant bien que mal, survivent dans notre pays.
Mais savez vous qu’il est un pays en Europe où 265.000 Juifs
furent exterminés, sans même l’intervention des Allemands ?
Un pays où la violence anti-juive était telle qu’elle choquait même son allié nazi.
La Roumanie, puisqu’il faut l’appeler par son nom, à propos de laquelle l’Historien américain Raul Hilberg écrivait « aucun pays, Allemagne exceptée, ne participa aussi activement au massacre des Juifs »
Et pourtant cette Communauté est installée depuis des siècles dans ce pays.
C’est avec les légions romaines qui envahirent l’ancienne DACIA, sous le règne de l’Empereur Trajan que les premiers Juifs s’y implantèrent
Certains Historiens assurent même que des Juifs du Royaume Juif des Khazars s’étaient installés dans les deux provinces vassales de Moldavie et de Wallachie qui formèrent plus tard la Roumanie.
Mais l’histoire avérée de ces Communautés ne trouve de bases solides qu’à partir du 15ème siècle, à l’époque de l’invasion turque.
Ce fut, tout au moins au début, une courte période de relative tranquillité, les Sultans permettant aux Juifs une existence légale.
Jusqu’alors le système social roumain ressemblait trait pour trait au système féodal russe, un noble chrétien orthodoxe était nommé par le Pouvoir pour être le « Staroste des Juifs », Haut Fonctionnaire qui avait toute latitude pour gérer et surtout taxer la population juive ; seules les décisions qui relevaient strictement de leur religion étaient laissées aux différentes « kahals »( petites communautés)
A cette époque du début de la suzeraineté ottomane, de nombreux Juifs d’Istanbul , premiers descendants des Juifs d’Espagne,,vinrent grossir le noyau de la Communauté existante, ce qui occasionna un regain de jalousie de la part des commerçants locaux.
Les Princes, vassaux des Ottomans, édictaient chaque mois de nouvelles réglementations afin de réduire la liberté d’installation des riches stambouliotes qui se servaient de leur influence pour tenter de devenir des « faiseurs de rois »
En 1577, dans la province de Wallachie, le Prince Alexandre 2 nomma comme Conseiller Isaïe Ben Joseph.
Ce dernier, jusqu’à son éviction du poste en 1577, rendit un peu plus agréable la vie de ses coreligionnaires.
Ecarté du pouvoir, il se réfugia en Moldavie où il entra au service d’Ivan le Terrible. Dans le même temps, les nouveaux Princes de Wallachie et de Moldavie, ne pouvant plus rembourser leurs dettes colossales, provenant de trains de vie pharaoniques, décidèrent, sans autre forme de procès, de faire exécuter tous leurs créanciers juifs, 90 personnes furent décapitées à la fin du 16ème siècle.
Au début du 17ème siècle, le Prince Gabriel, qui voulait une nouvelle fois attirer les commerçants juifs de l’Empire ottoman, leur accorda certains privilèges, mais ne voulant pas heurter les populations chrétiennes, il instaura un code vestimentaire à l’usage des Juifs , afin qu’on puisse les reconnaître. code qui fut en vigueur pendant plus de cent ans, on trouve des précisions à ce propos dans les écrits de Anton Del Chiaro, secrétaire du Prince de Wallachie au début du 18ème siècle.
Il est dit « les Juifs n’ont pas le droit de porter des vêtements de couleurs autres que noir ou violet.
Les bottines jaune ou rouge leur sont strictement interdites. »
A cette même époque, on fait état des premières accusations de crimes rituels perpétrés par des Juifs à l’occasion de la Pâque, accusations relayées par les Prêtres orthodoxes qui poussaient à des chasses aux Juifs qui firent de nombreuses victimes.
Ces accusations étaient tellement grossières et surtout infondées que l’Ambassadeur de France auprès de la « Sublime Porte » (appellation de l’Empire ottoman) , Jean Baptiste Louis Picon, fit part officiellement à son Roi qu’il se passait des faits,dans ces lointaines Principautés,qui ne pourraient avoir lieu dans des « pays civilisés » (sic).
La première guerre russo-turque de 1768 vit le sort des juifs devenir encore plus précaire, malgré la relative protection des Princes, la Communauté subissait massacres et pillages tant des janissaires turcs que des soldats russes.
La population chrétienne, poussée par des prêtres, enlevait des orphelins pour les convertir.
La Révolution de 1848 qui vit la fusion des deux Principautés, amena au pouvoir le Prince Alexandre CUZA, qui, au début de son règne, décida d’accorder le droit de vote à tous ses Sujets, avec en échange de ce droit, obligation faite aux Juifs d’avoir à payer un tribut. Devant les difficultés pour recouvrer
cet impôt, il fit machine arrière et proclama que seuls les Chrétiens auraient le droit de vote.
Ces dispositions furent confirmées par son successeur, Charles Hohenzollern, qui permit de nouveaux massacres anti-juifs et la destruction, en juin 1866, de la grande synagogue de Bucarest.
Son Conseiller, Biratianu, peut être considéré comme le premier antisémite politique, trouvant encore trop grande l’influence des Juifs, il décida de les exiler dans les campagnes les plus reculées de Roumanie. Leurs biens, situés dans les villes, furent déclarés vacants et pillés par leurs concitoyens.
Les Juifs venus de Turquie qui ne pouvaient prouver leurs racines roumaines furent embarqués dans de vieux bateaux et abandonnés aux flots du Danube, les Turcs refusant de les laisser accoster, la plupart d’entre eux périrent noyés.
Les pays d’Europe furent extrêmement choqués, ce qui poussa Bratianu à la démission.
Des guerres locales étaient fréquentes dans les Balkans et chaque fois les Juifs en faisaient les frais.
Le Traité de Berlin de 1878 accorda une nouvelle fois la citoyenneté aux Juifs, en privilégiant ceux qui avaient combattu les Turcs.
La solidarité de mécènes juifs européens vint en aide aux Juifs roumains, bien que le Pouvoir continuât sa politique de déplacement vers les campagnes.
De nouvelles lois restrictives étaient promulguées interdisant aux Juifs quantité de professions telles que pharmaciens, vétérinaires ou avocats.
La plus pernicieuse de ces lois, en 1893, privait les enfants juifs de l’école publique, cette loi fut suivie en 1898, d’un nouveau décret excluant les étudiants juifs des universités.
Malgré ces entraves continuelles, le sort des Juifs de Roumanie paraissait bien meilleur que celui de leurs coreligionnaires de Russie ou de Galicie.
Des émigrants arrivèrent en masse (plus de 195000), de nouvelles professions étaient exercées par ces populations, telles que prêteurs sur gages (certains furent à l’origine du système bancaire roumain)
L’arrivée massive de ces nouveaux venus donna un nouvel élan aux mouvements antisémites qui voyaient en ces errants une population inassimilable.
Ces Communautés venues d’horizons différents trouvaient en une vie culturelle intense, un ciment qui les unissait. La Roumanie devint le berceau du théâtre yiddish.
Le traité de Berlin qui vit la Roumanie se défaire du joug turc ne fut pas synonyme de liberté pour les Juifs.
Les pogroms s’amplifiant en Russie et en Pologne, le Juifs de ces pays continuaient à venir en Roumanie où ils trouvaient l’aide des philanthropes juifs d’Europe.
Les ligues antisémites se développaient à la même cadence que les émigrés arrivaient, une révolte paysanne poussée par les partis nationalistes fit de nombreuses victimes juives en 1907.
La conférence de la Paix tenue à Paris en 1919, exigea de la Roumanie un changement de politique vis-à-vis de sa population juive.
La ville de Lasi,( le plus grand centre juif de Roumanie) vit émerger des partis politiques juifs (le parti juif et la fédération des Juifs de Roumanie).
En 1920, les mouvements d’extrême droite qui se créaient en Allemagne, trouvèrent ici un écho favorable ; la « Garde de fer » de Godreanu demandait dans ses discours qui rassemblaient des foules hurlantes, des quotas pour les Juifs dans l’administration ou l’université. La disparition des Juifs du paysage roumain était envisagée par lui comme un acte de « salubrité publique »Le Roi Carol 2 n’était pas antisémite, sa maîtresse, Elena Lupescu était une juive de Lasi (ils se marièrent en 1947 en exil au Brésil) ainsi que nombre de ses ministres, mais l’influence populaire de la Garde de fer, lui fit adopter les premières lois raciales sur le modèle des lois de Nuremberg.
Tous les Juifs durent, dans un délai de 20 jours, prouver leurs origines roumaines, ceux qui ne purent le faire (plus de 120000) furent déchus de leur nationalité.
Le Roi, voyant son pays s’enfoncer jour après jour dans le fascisme et l’antisémitisme, se ressaisit et fit arrêter tous les chefs des Gardes de fer sous prétexte qu’ils étaient financés par Hitler, 14 d’entre eux furent exécutés dont Godréanu.
Les partis d’extrême droite renversèrent la royauté et mirent au Pouvoir lon Antonescu, grand admirateur d’ Hitler , qui se qualifiait lui-même de « Pétain roumain »
En 1940 la Roumanie céda d’immenses territoires à l’URSS, à la Hongrie et à la Bulgarie, 420.000 Juifs sur les 786.000 Juifs roumains changèrent ainsi de nationalité, sur ces 420.000, les deux tiers périrent entre 1941 et 1944.
Ruines d’une synagogue détruite au cours d’émeutes antijuives
à Bucarest en 1941
A partir de l’automne 1940, les mesures d’exclusion visant les Juifs devinrent intolérables, les Juifs convertis ou les conjoints chrétiens de Juifs étaient également visés.
Juifs déportés de Iasi à la suite d’un pogrom
En juin1941, l’entrée en guerre de la Roumanie aux côtés de l’Allemagne se traduira par un massacre généralisé des populations juives, c’est « l’opération Barbarossa ». L’armée roumaine aux côtés des nazis des « Einsatzgrupen » fusille et enterre encore vivants, tous les Juifs, hommes, femmes et enfants, qu’elle peut trouver dans les zones qu’elle contrôle.
La moitié des 320.000 Juifs de Bessarabie sont assassinés dans les mois qui suivirent l’entrée en guerre de la Roumanie.
Les nazis exigent de leur allié, que tous les Juifs de Roumanie leur soient livrés, Antonescu rechigne car il a l’intention de laisser émigrer 80.000 Juifs roumains vers la Palestine, moyennant finances .De véritables marchandages ont lieu avec Eichman qui finalement se contente de déporter à Auschwitz les Juifs roumains présents dans le district de Lublin, en Pologne.
Il y avait en 1940, 786.000 Juifs vivant en Roumanie, 400.000 ont été assassinés dont 265000 sur la seule responsabilité du Gouvernement roumain.
De 1948 à 1960, la plupart des Juifs roumains survivants émigrèrent en Israël, les Autorités communistes qui succédèrent aux fascistes n’étaient pas mieux disposées vis-à-vis de ces populations.
Ce fut un véritable exode vers la Palestine puisque l’on estime qu’il reste aujourd’hui en Roumanie moins de 6000 Juifs, principalement à Bucarest.
Les émigrants étaient tenus de payer un droit d’émigrer proportionnel à leur fortune et à leur niveau d’études.
Le judaïsme roumain n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir et son drame l’une des pages les plus sombres de l’Histoire de l’Europe.
Comprenez vous maintenant que je ne puisse tolérer l’amalgame fait par des médias français entre le sort des Roms et le sort des Juifs ?
Elie Wiesel dans un récent article écrivait : « il faut être prudent avec le langage, les Roms, on les renvoie en Roumanie, pas à Auschwitz »
J-C Nerson Sources : Pictorial History of the Jewish People par
Nathan AUSUBEL
– Encyclopaedia judaïca