Le 8 mars 2014
Benjamin mon Ami,
A chacun de mes voyages à AUSCHWITZ j’éprouve des sentiments divers, des sensations différentes, remarque certains détails qui m’avaient échappés précédemment, m’identifiant au hasard d ‘une photo, à ces inconnus martyrs innocents … comme un coup inattendu qui coupe le souffle. J’observe, me questionne, me défends de tout sentimentalisme en m’imprégnant de la souffrance de ces lieux. Je voudrais comprendre, je voudrais savoir, mais …. Quoi donc?
Respectueusement, j’effleure de la main, un barbelé, le mur d’un bloc, regarde tous ces vêtements, ces objets du quotidien que le temps a terni Que viens-je chercher sur ce site, une lueur d’espérance dans un lieu de désespérance ? De chair et de sang ils étaient tous faits, victimes et bourreaux. Comment justifier, 70 ans plus tard, que personne ne se soit levé pour dire « stop » avant que cela ne commence.
Au fil du temps, j’ai pu prendre la mesure de l’effort que tu t’imposes pour témoigner inlassablement. Je sais combien chaque voyage ajoute à ta souffrance, et n’ose même pas penser aux démons qui hantent les nuits de tes retours. Cette année plus particulièrement en te regardant «te crucifier» ainsi, je me suis fait la promesse de t’accompagner une fois l’an si Dieu le veut – le tien, le mien, celui dont on peut se demander où il était en ces temps tragiques … qu’importe d’ailleurs où se situe la notion individuelle de Foi. L’Amitié c’est aussi le partage de l’épreuve de l’autre.
Convaincre inlassablement ma famille, mes amis de se joindre à nous et de venir se rendre compte par eux-mêmes pour comprendre véritablement la signification de ce « plus jamais ça », et devenir à leur tour, d’authentiques « témoins des témoins ». Je te l’ai dit à plusieurs reprises sans bien réussir à te convaincre ; te rencontrer est un privilège, une façon d’être en direct ou, encore de « tutoyer » l’Histoire qu’il appartient à chacun de transmettre à sa descendance. Merci de m’avoir appris tout cela.
Avec toute ma tendresse.
Simone CIZAIN
POÈME
AUSCHWITZ 2013
Faites silence
Pour entendre la voix de leurs âmes tourmentées
Qui, tout au long de cette journée d’hiver, se sont tenues près de vous,
Vous racontant l’insoutenable souffrance d’une tragédie inqualifiable
Qui a fait d’Etres humains … comme vous et moi finalement
Les Innocentes victimes d’une idéologie perverse.
Ecoutez-les qui vous supplient de n’oublier jamais.
Ecoutez,
La voix de cette mère qui chantait une berceuse à son bébé,
Ce père fier du fils qui – il en était sûr – prendrait un jour sa suite,
Ces grands-parents heureux qui s’émerveillaient de leur descendance,
Ces adolescents aux rêves de conquêtes qu’ils auraient dû mener à leur terme,
Ces petits enfants qui auraient dû rire, jouer, grandir, devenir.
Faites silence
Pour respecter la mémoire de tous ces Innocents
Apeurés, affamé, battus, torturés exterminés,
Pour les plus « chanceux », au Zyklon B… douchés.
Leurs pauvres corps mutilés sans pitié, profanés, brûlés…
Plus de larmes pour pleurer, plus personne pour aimer…
Indicible horreur de perversions diaboliquement règlementées
Dans ces lieux étrangement habités,
Nous avons marché gravement dans leurs pas.
Nous avons écouté la longue plainte de leur agonie.
Puis le soir tombé, la nuit venue,
« Le Kaddish », « notre Père » avons prié
Sur le chemin qui sépare la stèle du Souvenir de la sortie,
Les âmes nous ont poussés vers la Vie.
J’ai eu envie de courir. Je n’ai pas osé me retourner.
J’avais peur de voir tous ces visages aux yeux exorbités,
Qui imploraient « Témoignez ».
Simone CIZAIN