par Jean-Claude Nerson
Je vais déroger à mes habitudes en vous racontant aujourd’hui, non pas l’histoire d’une Communauté Juive oubliée, mais celle d’un homme qui, je l’espère, suscitera votre intérêt.
Je vais donc relater le destin hors du commun de celui que l’on nommait, à son époque, « le Roi juif de Macao », Bartolomé Vaz Laudeiro.
Pour faire le portrait de cet homme, il faut nous représenter ce qu’était le Macao de la seconde moitié du 16e siècle. C’était un port très fréquenté par les pirates et les aventuriers de tous bords et c’est avec beaucoup de difficultés que le Portugal, qui venait de signer un accord avec la Chine, essayait de faire régner un semblant d’ordre. Passage obligé pour le commerce maritime entre la Chine et le Japon, il fallait absolument assurer la sécurité des marchandises qui transitaient. Le Portugal en tirait un avantage certain et les marchands portugais avaient le monopole des transactions.
C’est dans ce contexte qu’apparaît le plus mystérieux des Aventuriers de l’époque : Bartolomé Vaz Laudeiro.
La famille de Vaz était une famille juive des environs de Lisbonne, de Santa Iria pour être plus précis. L’Inquisition sévissant de manière très brutale au Portugal, les Juifs émigrèrent vers des cieux plus cléments, pour la plupart vers les colonies portugaises d’Amérique du sud ou d’Asie, où, pensaient-ils ils seraient en sécurité.
Ils se trompaient.
Mais revenons aux Laudeiro qui débarquèrent vers 1560 dans la province de Goa, possession portugaise des Indes. L’Inquisition y sévissait déjà et Vaz fut obligé de falsifier sa date de naissance et ses origines pour pouvoir sauver sa vie. Il se créa un nouveau passé, se disant d’un noble lignage.
Nous n’avons pas beaucoup d’informations sur sa vie jusqu’en 1564 où on le retrouve à Macao ; il se fait rapidement une place prépondérante et ses affaires (légales et illégales) sont très florissantes. Il se fait appeler Capitaine Laudeiro.
Il devient l’intermédiaire obligé pour tous les échanges commerciaux en Asie et se lie avec la plupart des grands Capitaines portugais ou espagnols à qui il fait donner des autorisations de transit à Macao.
Beaucoup de ces Capitaines étaient des mercenaires, voire des Pirates, mais leur relation avec Laudeiro leur valait passe-droit et tolérance de la part des Autorités Portugaises.
En 1575 il était le maître absolu du commerce entre Macao, le Japon, Manille, le Cambodge, le Siam, Timor et les Indes. De nombreuses sources indiquent qu’il possédait une armée capable de défendre ses intérêts tant sur mer que sur terre. Au Japon il était accueilli officiellement comme le représentant des Autorités portugaises de Macao. Il finança l’installation des Jésuites dans ce pays. Pour ne pas faillir à sa réputation, il ne se déplaçait que richement vêtu et suivi de 80 esclaves africains armés de hallebardes et de boucliers.
En 1583 il signa des traités d’alliance entre Macao et Manille.
Son déclin commença en 1585, la concurrence des jonques chinoises lui fut fatale. Son crédit s’amenuisant, il fut abandonné par les Puissants qui le toléraient jusqu’alors.
A l’aube du 17e siècle, personne ne parlait plus de l’éphémère puissance du « Roi juif de Macao ».