Je n’avais pas vu depuis longtemps l’un de mes cousins germains, il s’était installé depuis plus de 10 ans à Madagascar et les événements de la vie n’avaient pas permis une rencontre lors de ses voyages en France.
Cet été, passant nos vacances dans le même endroit du sud de notre pays, il me parla de son île, de sa vie et surtout d’un sujet resté vivant dans la mémoire des élites malgaches :
Ce n’était rien moins que la décision des dirigeants nazis d’obliger tous les Juifs d’Europe à s’installer dans la Grande île. La conférence de WANNSEE n’avait pas encore était programmée et la solution du 3e Reich pour effacer toute présence juive, était de créer un immense ghetto à Madagascar.
Depuis 1938 l’Allemagne nazie avait décidé d’envahir la France et d’annexer toutes ses possessions d’outre mer et quoi de plus normal pour les esprits tourmentés des Von Ribbentrop, Goering et surtout Himmler de se débarrasser des Juifs en les expédiant loin de cette Europe dont ils étaient les parasites. Le seul problème qui subsistait pour mettre en place ce plan démoniaque était la suprématie maritime de l’Angleterre qui pourrait faire obstacle au transport des Déportés.
Goering, grand maître de l’aviation allemande, rejeta ces restrictions d’un revers de la main, il ne doutait pas que ses avions auraient tôt fait de détruire la flotte anglaise et que la reddition de l’Angleterre ne serait plus qu’une question de jours.
Le 3 juin 1940, l’un des membres les plus éminents du Ministère des Affaires étrangères allemand, Franz Rudemacher, collaborateur direct de Von Ribbentrop, le chargé des affaires juives, présenta officiellement le plan détaillé du processus d’évacuation des Juifs d’Europe. Il se divisait en deux parties distinctes, un noyau de quelques milliers seraient regroupés à Lublin, en Pologne, sans doute voués à une extermination sur place, tous les autres déportés à Madagascar, des camps devaient être mis en place dans toute l’Europe occupée pour rassembler les populations arrêtées. Rivesaltes, Gurs, Noé, tous les camps du Sud de la France seraient affectés à ce grand projet.
Le 18 juin 1940 Hitler en est informé et en fait part immédiatement à Mussolini qui approuve le plan sans restriction. Heindrych souhaite être le grand ordonnateur de cette migration et obtient après d’âpres discussions, le plein accord de Von Ribbentrop, c’est un immense ghetto qu’il se propose de créer avec à sa tête un Gouverneur issu de la S.S. Le financement du plan se fera par la confiscation des biens juifs d’Europe.
Le 15 Août 1940, Eichmann et Danneker (celui qui fut plus tard le représentant personnel d’Hitler à Paris), produisent un rapport détaillé qui prévoit la déportation d’un million de Juifs par an sur 4 ans. Les S.S seront chargés de l’arrestation des Juifs et de l’administration sur place, à Madagascar. Il est prévu 120 navires pour transporter le premier contingent de 1 million.
Mais tout ne se passa pas comme l’avait prévu Goering, l’Allemagne nazie ne démantela pas la flotte anglaise et il n’était plus envisageable de mettre en danger une grande partie de la flotte allemande. Jusqu’en 1942, Hitler et ses conseillers pensaient ce plan encore réalisable tout en mettant sur pied leur campagne d’extermination massive des Juifs. L’arrivée en 1942 des Forces britanniques sur l’île de Madagascar, mit fin définitivement à cette entreprise.
Pour les Malgaches il était naturel que les Juifs, que beaucoup considèrent comme des parents éloignés, reviennent dans une terre où vivaient leurs ancêtres. Madagascar et les Juifs furent longtemps des sujets de thèses, notamment pour le Pasteur Tolotia Ratify, grand historien et hébraïsant, qui fit paraître une somme de plus de 600 pages sur l’origine des noms de lieux et de personnes que l’on pouvait rencontrer sur la Grande Ile. D’après ses recherches, la plupart d’entre eux sont formés à partir de racines hébraïques. Il a remarqué également que sur les plateaux ainsi que sur la quasi-totalité des zones côtières, les populations malgaches semblent avoir des coutumes provenant du judaïsme des premiers temps.
Selon les légendes, transmises de générations en générations, des membres de la tribu perdue de Manassé se seraient échoués sur l’île et y auraient fait souche, ces mêmes légendes affirment que le bois de rose ayant servi à la construction du temple de Salomon, provenait des forêts malgaches. Bien que les anthropologues affirment que le peuple malgache soit d’origine indonésienne, beaucoup de personnes de la communauté malgache sont persuadées être les descendants de cette tribu de Manassé. Le Prince Ndriana Rabarinoelina héritier direct de la monarchie malgache revendique cette filiation.
Pour le grand érudit Razanadraokolo, ce sont des marchands musulmans, mais d’origine juive, qui se seraient installés sur l’île au 10e siècle en apportant avec eux les coutumes de leurs ancêtres. Curieusement l’on trouve une autre secte liée au judaïsme, les Aaronites qui disent poursuivre l’œuvre de Aaron, le frère de Moïse. Un journaliste américain qui est allé faire un reportage chez ces Aaronites est revenu très étonné par la jeunesse des adeptes et par leur sens de la communication. Ils restent connectés via Facebook avec de nombreuses Communautés juives dans la Monde.
N’oublions pas que Madagascar, île de 20 millions d’habitants, gentils, tolérants et surtout accueillants est quadrillée par des centaines de missionnaires, musulmans et évangélistes chrétiens, qui y trouvent des proies faciles. Le judaïsme, pour quelques élites est une rupture totale avec le passé colonial, l’islam ou le christianisme étant les religions des colonisateurs.
Madagascar accéda à l’indépendance en 1960 et Israël fut l’un des tous premiers pays à y installer un Ambassadeur. Israël et Madagascar entretiennent d’excellentes relations notamment en matière d’agriculture, de santé et d’enseignement. De nombreux étudiants malgaches suivent un cursus universitaire en Israël.
La grande préoccupation des Autorités est un manque dramatique d’eau potable, les techniques de désalinisation de l’eau de mer mises au point par Israël permettraient une alimentation saine généralisée en 2030. Le régime socialiste, partisan des thèses arabes sur la Palestine, avait gelé toutes ces initiatives qui, petit à petit se remettent en mouvement.
Ces derniers mois une nouvelle vie juive s’installe dans cette grande île de l’Océan Indien, en juin dernier, après un processus de conversion engagé depuis quelques 5 ans, 121 personnes ont été reconnues comme juives par des Rabbins américains, en particulier le Rabbin Gérald Sussman qui préside Koulanou, organisation juive new-yorkaise qui se consacre au soutien des Communautés juives isolées.
Est-ce la porte ouverte à une conversion massive des populations malgaches au judaïsme, nous n’en sommes pas là, mais si l’on en croit les Malgaches eux-mêmes, ils sont plus de 50% à revendiquer une ascendance juive.
J.Claude Nerson