Il n’y a pas un jour sans que les médias du monde entier ne relatent avec force détail les exactions de l’organisation terroriste « Etat islamique » que l’on désigne pour éviter l’amalgame par son acronyme arabe « Daesh ».
Loin de moi l’idée d’apporter ma voix dans ce concert de nouvelles, plus préoccupantes les unes que les autres, que l’on nous assène sans ménagement.
Vous savez que mon sujet de prédilection qui m’amène, dans chaque parution de notre bulletin, à vous intéresser à une Communauté méconnue, n’a pas ou peu de rapport avec la politique contemporaine. Pourtant, une brève, un article paru dans la presse attire mon attention et me lance dans une enquête que je soumets à votre réflexion.
C’est un article de « La Croix », vous voyez que j’ai de bonnes lectures, qui a éveillé ma curiosité, le journaliste relatait l’appui constant des Israéliens aux combattants kurdes qui se battent contre Daesh, il donnait des exemples de volontaires juifs enrôlés auprès des Kurdes.
La question kurde, en quelques mots, naît à Lausanne en 1923, lorsque les grandes puissances de l’époque décident d’abroger le traité de Sèvres de 1920 qui promettait aux Kurdes un « Territoire autonome ». Le traité de Lausanne répartit les Kurdes sur quatre pays dont ils doivent être les sujets : la Turquie, l’Iran, la Syrie et l’Irak.
En janvier 1946, les Kurdes d’Iran proclament une République indépendante, vite écrasée par le Shah .
En Irak, la volonté des Kurdes d’acquérir une certaine autonomie est sans cesse anéantie par des répressions terribles, allant jusqu’aux massacres de masse par armes chimiques.
Depuis 1990 et la guerre du Golfe, les Kurdes irakiens, ayant soutenus les Américains, ont obtenu une certaine autonomie dans le nord de l’Irak . Depuis 2014 ils sont le fer de lance dans les combats contre Daesh.
En Turquie la question kurde est chaque jour d’actualité, ils sont victimes de discriminations sévères et l’adhésion du pays à la coalition contre Daesh permet à l’armée turque de bombarder leurs villes sans réaction.
Des juifs vivaient au Kurdistan depuis la nuit des temps, lorsque ce territoire appartenait à l’antique royaume de Perse, ils pensaient être les descendants des esclaves emmenés par Nabuchodonosor après la destruction du premier temple de Jérusalem en 586 avant notre ère. Le fameux « Talmud de Babylone » ne parle que des juifs d’Erbil (aujourd’hui capitale du Kurdistan autonome).
Les Juifs vivaient très isolés et pour éviter les invasions qui dévastent la région, ils s’enfoncent de plus en plus dans les montagnes et fondent de nouvelles communautés. Ce n’est qu’au 17e siècle qu’une famille juive s’illustre par son savoir et sa connaissance du judaïsme, la famille Barzani, elle donnera de nombreux érudits jusqu’à nos jours.
Les Barzanis formaient une véritable tribu, ils concluaient des pactes tribaux avec les autres clans, ce qui leur donnaient une influence considérable et les amenaient naturellement à être en pointe dans la lutte pour l’indépendance.
Des mariages inter communautaires furent conclus et les chefs de la tribu Barzani, devenus musulmans restèrent des alliés fidèles à leurs anciens coreligionnaires.
Les Cheicks Ahmad et son fils Mustapha Barzani nouèrent des relations très étroites avec les Juifs kurdes notamment avec ceux de la ville d’Accra où était implantée une prospère communauté, elle était dirigée par la famille Kihnno dont le patriarche était le médiateur officiel entre les kurdes et l’Empire ottoman.
Le Cheick Barzani dut s’exiler en Russie et la situation des juifs au Kurdistan devenant préoccupante, beaucoup s’enfuirent vers la Palestine. A son retour d’exil, il ne restait plus que quelques dizaines de Juifs, moins de 50 sans doute.
Les Israéliens , par la voix de leur Premier Ministre de l’époque Shamir, demandèrent officiellement aux Etats-Unis de soutenir les légitimes revendications des Kurdes.
Plus prés de nous, les relations s’intensifièrent, de nombreuses rencontres eurent lieu entre Massoud Barzani, l’actuel dirigeant du Kurdistan irakien et Sharon. En 2014 Benjamin Netanyahu se déclara publiquement favorable à un Kurdistan libre et indépendant.
Les Kurdes dont la grande ville pétrolière, Mossoul,a été envahie par Daesh, sont les premiers résistants à ces dangereux envahisseurs, ils sont les seuls capables d’enrayer leur progression grâce à leur connaissance parfaite du terrain.
La communauté kurde d’Israël est forte de quelques 150.000 individus, ils jouent un rôle important dans le maintien des liens officieux entre Israël et le kurdistan.
Certain sont retournés dans leur pays d’origine et s’y sont même réinstallés, insufflant une espérance nouvelle aux Kurdes qui voient en ces Israéliens un contrepoids à l’influence iranienne.
Bien que les synagogues de Mossoul, Bassora, Accra, soient devenues des mosquées, que de nombreux cimetières juifs ne soient plus que des amas de pierres brisées, l’espoir pour les dirigeants kurdes comme Barzani, de voir, dans les prochaines années, une représentation diplomatique israélienne à Erbil (l’actuelle capitale de la région autonome du Kurdistan) est constamment à leur esprit.
Des enseignants américains viennent aider les populations locales, l’un d’eux, de confession juive allant se recueillir sur les ruines d’une synagogue, à Al Qosh, une ville située à 35 kms de Mossoul, laissa ce témoignage : « Je me trouvais dans un lieu où vécurent des Juifs il y a 2500 ans, je suis à 40 kms de l’Etat islamique, j’estime qu’en venant ici je fais un acte de résistance spirituelle, je savais combien les Kurdes avaient été tolérants avec toutes les religions et combien aujourd’hui ils payaient pour cela. » Ceci explique sans doute pourquoi de jeunes israéliens combattent aux côtés des Kurdes, considérant, sans doute, qu’ils ont une dette à leur égard.
Jean-Claude Nerson