Déjà 70 ans, il faut se souvenir de 1944, 5e année de la Seconde Guerre mondiale. Au début 1944, il est évident que l’Allemagne nazie a perdu la guerre. Le déclin du IIIe Reich est désormais inéluctable. Au-delà de la stratégie globale et des opérations militaires, 1944 vit les Allemands perpétrer des massacres d’une indicible cruauté parmi les populations civiles d’Europe, et le génocide du peuple juif atteignit son paroxysme avec l’extermination des Juifs hongrois.
De ces massacres et de la Shoah, je reparlerai dans cet article, mais auparavant, je voudrais resituer ces tragiques événements dans leur contexte. Quelle est la situation militaire au début de l’année 1944 ? Fin 1941, avec l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, l’entrée des Etats-Unis dans le conflit avec leur formidable potentiel économique et militaire – à l’instar de ce qui s’était passé en 1917 – a donné à celui-ci une dimension planétaire. En novembre 1942 a lieu le débarquement anglo-américain au Maroc et en Algérie. En 1943, les Allemands et leurs Alliés italiens sont chassés de Lybie puis de Tunisie. Sur le front Est, la défaite allemande de Stalingrad, le 2 février 1943, marque un tournant et constitue un des événements les plus importants de la Seconde Guerre mondiale. C’est un revers militaire pour l’Allemagne nazie et plus encore, une capitulation symbolique dont le retentissement va être considérable. 1943, ce furent aussi les débarquements anglo-américains en Sicile et en Italie du Sud, puis en corollaire, la chute du régime fasciste de Mussolini. Néanmoins, l’armée allemande est présente à l’Ouest, de la Norvège à la frontière franco-espagnole, le long du « mur de l’atlantique », tandis qu’en Angleterre, la plus formidable armada que le monde ait connue prépare le débarquement et la libération de l’Europe du joug nazi. L’ouverture d’un front à l’Ouest s’avère urgente pour soulager l’Armée rouge qui mène de durs combats sur le front Est. Ce sera chose faite le 6 juin 1944 en Normandie. Dans la zone Asie-Pacifique, l’armée américaine affronte le Japon, puissance expansionniste, alliée de l’Allemagne dans le cadre de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo.
Simultanément, les communautés juives et les populations civiles partout en Europe, particulièrement à l’Est, ont beaucoup souffert durant l’occupation allemande. Il y avait eu en 1941, après l’offensive allemande contre l’Union Soviétique, l’action meurtrière et la sauvagerie des Einsatzgruppen, qui firent plus d’un million de victimes juives. Des exactions avaient aussi eu lieu, entre autre, à Lidice, village de Tchécoslovaquie, où le 10 juin 1942, en représailles à l’assassinat à Prague du nazi Heydrich par des partisans, la population, dont une centaine d’enfants, fut massacrée par les SS. Le village a ensuite été totalement détruit par les nazis. Au début de 1944, plusieurs millions de Juifs avaient déjà péri dans les six camps d’extermination situés en Pologne. Mais le summum de la barbarie allait être atteint avec la déportation vers Auschwitz-Birkenau, des Juifs de Hongrie : en 56 jours, du 15 mai au 9 juillet 1944, plus de 435 000 Juifs hongrois, furent acheminés à Birkenau pour y être gazés.
Au printemps 1944, juste avant l’arrivée des Juifs hongrois, la voie ferrée fut prolongée à l’intérieur du camp de Birkenau. La rampe que l’on peut voir aujourd’hui fut construite, ceci afin que le terminus des « convois de la mort », fût au plus près des chambres à gaz et des crématoires… Au final, plus d’un tiers des victimes juives d’Auschwitz-Birkenau furent hongroises…
Cette déportation des Juifs hongrois, fut, rappelons- le, organisée par Eichmann, planificateur de la Shoah, dont j’ai parlé dans le précédent bulletin.
Par ailleurs, un des crimes les plus abjects, fut la rafle par la Gestapo de Lyon, des enfants d’Izieu, arrêtés le 6 avril 1944, déportés et assassinés par les nazis parce qu’ils étaient nés Juifs.
La liste exhaustive de tous les massacres perpétrés par les nazis serait très longue, aussi, me bornerai-je à évoquer des lieux symboliques de l’ignominie de l’homme dit civilisé… Marzabotto, village d’Emilie-Romagne en Italie, où entre le 29 septembre et le 5 octobre 1944, 955 personnes furent exécutées. Ce fut le massacre de civils le plus meurtrier perpétré par les nazis en Europe Occidentale.
Oradour-sur-Glane, village de Haute-Vienne en France, où le 10 juin 1944, 642 habitants dont 247 enfants, furent abattus ou brûlés vifs. Après le carnage, les nazis dévastèrent et incendièrent le bourg. Ce fut le plus grand massacre de civils commis en France par les armées allemandes. Pour mémoire, deux ans plus tôt, le 10 juin 1942, le même jour que Lidice, dans le village grec de Distomo, 218 personnes furent assassinées par les nazis. Ces drames, mais aussi hélas tant d’autres, furent « l’œuvre » de la Waffen SS (aile militaire de la SS).
A l’été 1944, les alliés occidentaux avaient consolidé leur débarquement en France et l’Armée rouge avait progressé au cœur de la Pologne. Dans le dernier ghetto juif de Pologne, celui de Lodz, tous les habitants sont déportés à Auschwitz, en août 1944. Ce même mois, a lieu la « liquidation » du camp des familles Tziganes d’Auschwitz. Tous furent gazés en une nuit…
Le 18 octobre 1944, les troupes soviétiques traversaient la frontière allemande et pénétraient en Prusse-Orientale. Le 21 octobre 1944, Aix-la-Chapelle fut la première grande ville allemande à tomber aux mains des alliés. Les derniers gazages ont lieu fin novembre 1944, à Birkenau, alors que sur ordre de Himmler, les nazis commencent à détruire les installations et les preuves du génocide.
Mais entre l’été 1944 et le printemps 1945, les survivants des camps allaient devoir affronter une ultime épreuve, les « marches de la mort », dernière étape de leur calvaire. Tout au long de ces années de guerre, les SS, la Waffen SS, la Gestapo, mais également des unités de la Wehrmacht, ont accompli des actes d’une brutalité inouïe, contre les Juifs, les civils, les enfants… En 1944, manifestement, pour tous les belligérants, l’Allemagne allait être vaincue. Pourtant, au nom d’une idéologie, des hommes prêts à tout, car ils n’avaient plus rien à perdre, se rendirent coupables d’actes inqualifiables…
Alain Poncet