Le moment le plus fort de cette journée dont je savais à l’avance qu’elle serait fertile en sensations fortes, ne fut pas, comme je m’y attendais, la visite des camps, des baraquements, des chambres à gaz, des fours crématoires, etc., de ces deux sinistres camps d’extermination, mais ce fut la courte cérémonie de fin d’après-midi, émouvante parce que simple, sincère, authentique, célébrée au début de la nuit à la lumière des bougies qui nous avaient été distribuées, alors que tombait lentement ce brouillard caractéristique qui recouvre souvent la morne plaine de Birkenau.
Jean-Claude, qui présidait cette cérémonie en l’absence de Benjamin, a évoqué la souffrance de tous ceux qui sont arrivés ici un jour et n’en sont jamais revenus ; il a cité Aragon qui fut le premier poète français à parler des camps (« Auschwitz ! Auschwitz ! Ô syllabes sanglantes ! Ici l’on vit, ici l’on meurt à petit feu », septembre 1943) ; il aurait aussi pu citer Jean Tenenbaum, plus connu sous le nom de Jean Ferrat, qui, dans Nuit et brouillard, évoque la disparition de son père, juif émigré de Russie, déporté le 30 septembre 1942 à Auschwitz où il mourut le mois suivant.
Aussi poignant qu’ait été le kaddish qui devait clore l’hommage rendu au plus d’un million de victimes juives de ces deux camps de la mort, il restera aussi de cette cérémonie qu’elle fut suivie par le chant de La Marseillaise repris spontanément par les quelque deux-cents membres de notre groupe en un hommage spontané à ceux qui, quelques jours plus tôt à Paris, étaient tombés injustement par la folie meurtrière de quelques assassins fanatiques.
Moins tristement, je dois dire aussi que cette (longue !) journée fut organisée de manière absolument impeccable et que nous, visiteurs passifs, n’avions qu’à nous laisser conduire selon le plan minutieux élaboré par Jo et Jean-Claude devenus de véritables professionnels depuis 14 ans que cette journée d’hommage a été instituée.
Un grand merci à tous de la part de Judith et moi-même ; que ce magnifique voyage du souvenir puisse longtemps encore être organisé afin que jamais ne soient oubliés tous ceux qui ont souffert et laissé leur vie là-bas, dans cette sinistre plaine de Silésie.
Maurice Guillaud